Le saviez-vous ?
Sainte Geneviève
Sainte-Geneviève est présente sur un des vitraux de la nef, du côté Nord, c’est- à-dire à gauche avec deux autres personnages qui sont Saint-Michel archange et, sans doute, Marie dont le visage manque.
Elle est représentée debout tenant un grand cierge dans sa main gauche.
Un petit démon est en train d’éteindre sa bougie à l’aide d’un soufflet.
Cela évoque un de ses miracles ou légende. Sainte-Geneviève se rendait le soir sur le chantier de la construction de la première basilique consacrée à Saint- Denis actuellement dans la ville portant le nom de Saint-Denis et, pour s’éclairer en chemin, elle emportait une torche enflammée, représentée souvent comme un grand cierge, et celle-ci s’éteignait sans cesse parce que, croyait-on, un démon soufflait dessus. Mais à chaque fois que le cierge s’éteignait, il se rallumait comme par miracle. Au-delà de la légende il faut bien comprendre le symbolisme sous-jacent à ces images.
Le grand cierge représente la Foi toujours vive qui ne peut s’éteindre, éclaire alentour et permet d’avancer.
Avec la Foi, rien n’arrête celui qui s’est mis en marche.
Pourquoi Sainte-Geneviève est-elle là ? Certainement parce qu’elle est une des patronnes de Paris.
Or, au Moyen-Âge, Champeaux est rattaché, au niveau religieux au diocèse de Paris. Partout autour, les paroisses dépendaient du diocèse de Sens. Champeaux était donc une enclave du diocèse de Paris dans celui de Sens.
Cela dit, au Moyen-Âge, l’évêché de Paris n’était pas encore un archevêché. Il dépendait de celui de Sens. Champeaux dépendait donc indirectement de Sens et devait donc aussi rendre des comptes à Sens.
Il y eut de nombreux litiges à ce sujet sans doute liés aux revenus du fief. Les chanoines étant seigneurs du fief percevaient les champarts, l’impôt seigneurial, et la dîme, l’impôt de l’Eglise qui correspondait théoriquement au dixième des revenus comme la Bible le préconisait.
Il ne faut pas oublier non plus les revenus des terres appartenant aux chanoines, terres qui étaient déjà parmi les plus riches et rentables de France.
La Brie et la Beauce n’ont- elles pas fait du seigneur de l’Île-de-France, le plus riche et le plus puissant des seigneurs, le roi de France.
Un dernier détail ; il y a un personnage au pied de la sainte qui est le chanoine donateur qui a payé le vitrail et un cartouche nous indique même son nom : Paien. Etonnant pour un chanoine, non ?
(imaige-priez Dieu pour…) et l’ame de luy
Vitrail de la crucifixion
Ce vitrail se trouve dans le bas-côté Nord du chœur de la collégiale et il nous donne à voir l’instant où le Christ est transpercé d’une lance afin de vérifier qu’il est bien mort…. et le texte des évangiles nous dit que cela fit jaillir de l’eau et du sang de son côté. Ce détail est précisé pour nous signifier que le Christ est le nouvel Adam du côté duquel naît son épouse, l’Eglise.
On y voit aussi, derrière le chanoine donateur du vitrail, Marie, Saint Jean et les saintes femmes, les deux larrons suspendus à leur croix et sur la droite les soldats et les membres du sanhédrin.
La tunique du Christ étant sans couture, cela en faisait un vêtement précieux. Il fut donc convenu de ne pas la découper pour la partager mais de la jouer aux dés. On voit donc en bas à droite, deux soldats qui apparemment ne sont pas d’accord avec le résultat des dés et en viennent aux mains ou plutôt aux couteaux, ce qui n’est pas dans le texte de l’évangile.
Il y a, comme souvent, au pied de la croix, un crâne. Il ne s’agit pas d’une tête de mort chargée de nous rappeler le drame qui est en train de se jouer.
C’est le crâne d’Adam représenté là pour rappeler aux croyants que le Christ a planté sa croix, nouvel Arbre de Vie, dans la mort d’Adam pour qu’Adam revive. Le sacrifice du Christ, sa mort acceptée, est d’abord la preuve de son amour de l’humanité, qu’il a jusqu’au bout épousé la condition humaine – et la pire, celle d’un condamné rejeté par les siens comme un criminel – pour que l’homme puisse épouser la condition divine et ainsi trouver la Vie.
Il faut remarquer que l’évangile lui-même appelle le lieu de la crucifixion, le Golgotha et précise que cela veut dire : “le lieu du crâne”.
Pourquoi ?
Parce que certaines traditions juives faisaient de cet endroit le lieu même de la tombe d’Adam.
Bien sûr, il ne s’agit pas ici d’exactitude historique ou géographique, mais au niveau symbolique cela avait une importance pour certains juifs et nous pouvons imaginer que cette “coïncidence” ait pu les troubler et les toucher.
Sainte Catherine d’Alexandrie
Ce vitrail se trouve dans une des fenêtres hautes du chœur de la collégiale, à gauche. On y voit Sainte Catherine d’Alexandrie.
Elle serait née en 290 dans une famille noble d’Alexandrie.
Très instruite et sage, elle tient tête aux intellectuels convoqués par l’empereur romain Maximin pour contredire ses arguments en faveur de la Foi chrétienne. L’empereur est séduit par son intelligence et sa beauté et lui propose une place importante dan son palais.
Comme elle refuse, il la fait supplicier et jeter en prison. Comme elle persiste dans son refus, il décide de la faire mettre à mort par le supplice de la roue. Celle-ci se brise miraculeusement. Il lui propose alors de devenir son épouse. Comme elle refuse, il la fait décapiter en l’an 305.
Elle est représentée avec les instruments de son martyre :
la roue cassée du premier supplice ; le glaive de sa décapitation ; un livre, symbole de son érudition ; sur sa tête, une couronne symbole de ses origines mais surtout couronne du martyre.
Elle est aussi représentée dans les miséricordes des stalles avec les mêmes attributs.
Sa dévotion répandue en orient s’est développée en occident à la suite des croisades. Elle est patronne des étudiants et des jeunes filles célibataires de plus de 25 ans.
Saint Martin
Ce vitrail se trouve dans une des fenêtres hautes du chevet de la collégiale, place d’honneur pour le saint patron du lieu. C’est ce qu’on appelle “la Charité St Martin”.
Martin, catéchumène et centurion romain, croise à la porte d’Amiens, en plein hiver, un mendiant fort mal vêtu.
Aussitôt, de son épée, il coupe sa cape en deux pour la partager avec le pauvre.
Il faut noter qu’il n’aurait pas pu en donner plus car cette cape appartenait pour moitié à lui-même, et pour moitié à l’armée ro- maine.
Le nuit venue, le Christ lui apparut en songe vêtu de sa cape et lui dit : “C’est moi que tu as vêtu aujourd’hui”.
C’est une application stricte de l’Evangile et cela reste un des gestes les plus populaires de l’histoire chrétienne en France.
Saint Martin a lui-même évangélisé beaucoup de contrées mais cela ne suffit pas à expliquer le nombre de villages et de paroisses qui lui sont dédiés.
Nul doute que sa “Charité” fut pour beaucoup pour sa popularité.
Il y a une autre “charité St Martin” présente sur un vitrail à Champeaux; c’est celle de la messe de Saint Martin. Là encore, un pauvre est aux portes de l’église, mal vêtu, alors que Martin va y entrer pour dire sa messe.
Là encore, il lui donne son vêtement.
Lors de la messe qui suit, le Père et le Fils lui apparaissent pour le féliciter de son geste. On y voit aussi un ange qui lui tend une sorte d’écharpe pour se couvrir.
Ses bras, levés au ciel pour l’élévation apparaissent bien nus sous sa chasuble
Il y a, à Champeaux, une troisième “Charité” que l’on peut attribuer à St Martin ; elle se trouve dans une des miséricordes des stalles. Martin sur son cheval fait l’aumône à un pauvre aveugle avec un religieux priant à genoux devant la scène ; sans doute un chanoine donateur de la stalle.
Il y a encore, d’autres images de Saint Martin dans la collégiale : celles déjà vues du personnage supportant un colonne à l’entrée sud du transept et celle où il est représenté en évêque, sur la gauche du retable, déjà vue, elle aussi.
Il y tient un parchemin portant un texte latin qui lui fait dire à Dieu, alors qu’il a atteint un âge avancé et qu’il aimerait bien aller se reposer au Ciel, “mais si tu le veux, je ne refuse pas le travail.”
On le voit ces représentations de diverses époques montrent bien que la popularité de Saint Martin et son culte ont traversé les siècles.
La Rose de la crucifixion
Le vitrail ci-contre se trouve dans la chapelle nord du chevet de la collégiale, chapelle dédiée à Marie. Cette rose surplombe un arbre de Jessé, symbolisant la généalogie du Christ aboutissant à Marie portant l’enfant Jésus. L’autre fenêtre de cette chapelle comporte d’ailleurs un vitrail représentant l’Annonciation.
On le voit, au centre de la rose le Christ est entouré de Marie et de Saint Jean, l’apôtre fidèle jusqu’au pied de la croix.
Cette scène évoque la phrase du Christ qui s’adresse à eux par ces mots, “Femme, voici ton fils, Fils, voici ta mère.” Ces paroles sont impor- tantes car elles signifient que Marie est la Mère de l’Eglise.
Elles confirment aussi que Marie n’avait pas d’autres enfants que Jésus. Si tel avait été le cas, jamais, Jésus n’aurait demandé à Jean de protéger sa mère à leur place.
Cette scène centrale est entourée du tétramorphe (les 4 formes) en haut et en bas, représentant les évangélistes et sur les côtés, de Saint Martin partageant son manteau et Saint Nicolas dont nous avons déjà parlé.
Tous les personnages sont munis d’ailes car ils sont messagers.
L’homme ailé – ce n’est donc pas un ange – représente Saint Matthieu parce que son évangile commence par la généalogie humaine du Christ.
Le Taureau représente Saint Luc, parce que son évangile commence par le sacrifice offert par Zacharie, or le taureau symbolise le sacrifice. Le lion représente Saint Marc car son évangile commence en évoquant une “voix qui crie dans le désert (Saint Jean Baptiste) et l’aigle représente Saint Jean car on pensait que l’aigle était l’oiseau qui montait le plus haut dans le ciel et pouvait regarder le soleil en face; c’était pour signifier que Saint Jean avait le mieux perçu – ou aperçu – le mystère divin tel qu’on peut le percevoir en lisant le prologue de son évangile.
Ces symboles peuvent avoir plusieurs autres significations. Saint Jérôme y voyait aussi les symboles du Christ à travers les étapes de la Rédemption : l’homme représente l’incarnation, le taureau, le sacrifice, le lion, la résurrection et l’aigle, l’ascension.
Les personnages de ce tétramorphe apparaissent dans le Livre d’Ezéchiel et dans l’Apocalypse de Saint Jean qui les appellent “les 4 Vivants” mais cela a sans doute une autre signification.
Saint Nicolas
Saint Nicolas est représenté quatre fois sur les vitraux de notre collégiale. C’était un saint très populaire dans nos régions surtout à une époque où le père Noël n’était pas né.
Il en est sans doute une des origines. Le nom du père Noël, n’est-il pas, dans les pays anglophones “Santa Claus” diminutif de Nicolas? De nos jours dans le Nord et l’Est de la France, son culte ou du moins son évocation au cours du début de l’Avent persiste lors de célébrations plus ou moins religieuses sans concurrence du Père Noël.
Cela dit, il est supposé apporter des cadeaux aux enfants comme le fera le père Noël….
Saint Nicolas est né vers 270 en Lycie, au sud-ouest de l’actuelle Turquie qui était à l’époque une région christianisée. Il fut évêque de Myre et se distingua par sa lutte contre l’hérésie arienne.
Son culte est attesté en Orient dès le VIeme siècle et en Occident à partir du XIeme siècle.
La légende des 3 petits enfants ”qui s’en allaient glaner aux champs” vient sans doute d’un autre miracle qui lui est attribué : celui de 3 officiers faussement accusés, qu’il fait libérer. Ceux-ci, représentés plus petits que le saint sur les images furent pris pour 3 enfants et la légende se répandit à partir de la ville de Bari, en Italie du sud, qui avait récupéré ses reliques.
Saint Georges
Il y a dans la collégiale un vitrail représentant Saint Georges terrassant le dragon, thème très souvent rencontré dans l’Art Sacré. De quoi s’agit -il par Saint Georges !
Saint Georges est un saint – martyr en Palestine au IVe siècle – qui était devenu soldat de l’Empire roman et qui un jour vint au secours de la ville de Trébizonde. C’est une ville située au nord de la Turquie actuelle, au bord de la Mer Noire et qui porte d’ailleurs toujours le même nom. Certains récits situent les faits dans d’autres villes.
A l’époque, la légende nous dit qu’un “dragon” réclamait chaque jour à la ville le tribut de deux agneaux ou deux jeunes gens, à dévorer, bien sûr. Ce jour-là, la princesse de Trébizonde accompagnée d’un agneau avait été choisie. On les voit d’ailleurs représentés en haut à droite du vitrail. Ce n’est pas Sainte Agnès accompagnée de son symbole (agneau-Agnès), n’en déplaise aux spécialistes spécialement ignorants de la culture religieuse qui l’ont répertoriée ainsi.
Au-delà du caractère légendaire du récit, Saint Georges est le modèle du chevalier chrétien, prêt à risquer sa vie pour autrui, dont il est devenu le saint patron.
Il est difficile de mettre en doute la réalité de son existence sans risquer – par Saint Georges ! – d’irriter nos voisins anglais qui en ont fait leur saint patron, adoptant son drapeau – une fine croix rouge sur fond blanc – et l’intégrant à l’Union Jack, drapeau qui rassemble plusieurs drapeaux en forme de croix, des différents pays du Royaume-Uni.
Cela dit, le Saint Georges de Champeaux a une caractéristique unique au monde… Il ne chevauche pas un cheval mais une Iicorne… dont on voit bien la corne torsadée. Qu’est-ce que cela signifie ? La licorne peut évoquer la Vierge mais si elle est absente, comme c’est le cas ici, elle représente le Christ ressuscité.
Le symbole est dès lors évident : Celui qui combat avec l’aide du Christ ressuscité est forcément victorieux.
Roi et Reine ?
Les statues qui supportent les colonnes à l’entrée centrale du transept représentent un roi et une reine qui se font face.
Erreur ! Il s’agit des saints patrons de l’église, Saint Martin et Sainte Fare, la fondatrice, qui sont les piliers portant symboliquement ce lieu, bien sûr, au niveau spirituel. Les couronnes tiennent lieu ici d’auréoles et expriment aussi leur royauté spirituelle sur le lieu.
Ces sculptures sont encore dans le style roman, tout comme les chapiteaux et autres sculptures du transept.
Il faut rappeler que ce transept a été construit entre 1160 et 1180 et que le style gothique n’y apparaît qu’au niveau des voûtes plus tardives.
La nef de la collégiale est, pour sa part, du premier style gothique (1220) qui, comme chacun sait, est apparu à l’Est de l’Ile-de- France. Le chœur est de 1260-1280 et le chevet du début du XIVème.
“A capella”
Le terme “a cappella”désigne un chant non accompagné d’instrument et souligne le fait qu’il se déploie seul dans l’acoustique d’une chapelle.
Le mot “chapelle” lui-même, curieusement, vient de la chape de Saint Martin. La chape est un vêtement liturgique qui ressemble à une grande cape.
Les rois mérovingiens, dès Clovis, semble-t-il, suivis des carolingiens avaient fait de la chape de Saint Martin leur étendard durant les combats. Le gardien de la chape fut appelé “chapelain” et le lieu où on la conservait, “chapelle”. Pour revenir à l’expression “a cappella”, il faut dire que le chant liturgique ne fut pas accompagné d’instruments avant le XIème siècle avec l’orgue puis le serpent, dès la fin du XVIème d’abord comme guides-chants mais non comme instruments solistes.
A la fin de la Renaissance et à l’époque baroque l’usage des instruments se développa jusque dans les Leçons (lectures) des Ténèbres mais en accompagnement dit “continuo “ .
Aujourd’hui encore l’usage des instruments est interdit dans la liturgie orthodoxe qui est donc toujours chantée “a cappella”. Il fut un temps où Champeaux accueillit un morceau de la chape de Saint Martin.
C’est sans doute aussi depuis lors qu’on y chante si volontiers “a cappella”.
Saint Martin et Sainte Fare
La collégiale n’est pas seulement sous le patronage de Saint Martin. Elle est aussi sous celui de Sainte Fare, la fondatrice de la première communauté religieuse installée sur ces terres au VIIème siècle.
Elle était la fille d’Hagnéric Comte de Meaux et Maire du Palais (sorte de Premier ministre) du Roi. Elle fonda l’Abbaye de Faremoutiers (le moutier- monastère de Fare) qui existe toujours à environ 30 km au nord de Champeaux. Elle avait reçu en dot la Villa Campellis, (ce qui signifie les prairies-les petits champs) une exploitation agricole où elle commença sa vie monastique et installa sans doute dès la fondation de son abbaye, un prieuré dépendant de celle-ci. Il semble que ce fut la règle de Saint Colomban qui y fut appliquée sous l’influence de ce saint irlandais, qui appuya sa vocation auprès de son père. Ce fut ensuite la règle de Saint Benoît qui fut imposée comme partout dans l’Empire carolingien par le Concile d’Aix-la-Chapelle (816-819). Ce sont donc des bénédictines qui furent remplacées par des chanoines à une date encore incertaine (au plus tard début XIIème). Ce sont les chanoines qui ont édifié la collégiale remplaçant, comme souvent, un édifice plus ancien.